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16 décembre 2010

L'usage du monde

voiture_bouvierA Téhéran :
"Un matin, avenue Lalezar, en passant devant la porte ouverte d'une parfumerie, j'entendis une voix sourde, voilée comme celle d'un dormeur qui rêve tout haut :

... Tu t'en vas sans moi, ma vie,
Tu roules,
Et moi j'attends encore de faire un pas
Tu portes ailleurs la bataille
...

J'entrai sur la pointe des pieds. Affaissé contre un bureau-cylindre dans la lumière dorée des flacons de Chanel, un gros homme parfaitement immobile, une revue ouverte devant lui, lisait à haute voix ce poème (Henri Michaux, La nuit remue) ; se le répétait plutôt, comme pour s'aider à accepter des choses qu'il ne savait que trop. Une expression extraordinaire d'acquiescement et de bonheur était répandue sur son large visage mongol perlé de sueur. Il était seul dans la boutique et trop absorbé pour s'aviser de ma présence. Je me gardai bien de l'interrompre ; jamais poésie n'est mieux dite que de cette façon là. Quand il eut terminé et qu'il m'aperçut à deux pas de lui, il n'en marqua aucune surprise et ne me demanda pas davantage si je désirais quelque chose. IL me tendit simplement la main et se présenta,  Des yeux noirs liquides, une petite moustache de morse, une élégance un peu molle : Sorab."

extrait p. 247

Auteur : Nicolas Bouvier - Titre : L'usage du monde

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