Bérénice
Les vers de Racine nous touchent intemporellement, et Bérénice en particulier m'émeut chaque fois. Hier, c'était Bérénice de la Comédie Française en tournée, qui s'est arrêté pour un soir à l'Opéra Théâtre d'Avignon.
Mise en scène épurée de Muriel Mayette, administrateur de la Comédie Française, décor sobre, bons acteurs, le texte avant tout. Seul bémol, l'actrice un peu âgée pour ce rôle d'amoureuse passionnée et dont la silhouette dessert (on finit par s'habituer), et quelques passages (mais rares heureusement) où elle jouait dans les trémolos.
Mais l'émotion monte au fil des actes, et comme chaque fois, j'ai la gorge serrée serrée sur la dernière partie.
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extrait (Acte IV, Bérénice) :
"Ah ! cruel ! est−il temps de me le déclarer ?
Qu'avez−vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée.
Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée
Ne vit plus que pour vous. Ignoriez−vous vos lois
Quand je vous l'avouai pour la première fois ?
A quel excès d'amour m'avez−vous amenée ?
Que ne me disiez−vous : "Princesse infortunée,
Où vas−tu t'engager, et quel est ton espoir ?
Ne donne point un coeur qu'on ne peut recevoir".
Ne l'avez−vous reçu, cruel, que pour le rendre,
Quand de vos seules mains ce coeur voudrait dépendre ?
Tout l'empire a vingt fois conspiré contre nous.
Il était temps encor : que ne me quittiez−vous ?
Mille raisons alors consolaient ma misère :
Je pouvais de ma mort accuser votre père,
Le peuple, le sénat, tout l'empire romain,
Tout l'univers, plutôt qu'une si chère main.
Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée,
M'avait à mon malheur dès longtemps préparée.
Je n'aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel
Dans le temps que j'espère un bonheur immortel,
Quand votre heureux amour peut tout ce qu'il désire,
Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
Lorsque tout l'univers fléchit à vos genoux,
Enfin quand je n'ai plus à redouter que vous."