La piste mongole
Etonnant, une fois encore, comment Christian Garcin nous emmène avec ce livre sur "La piste mongole", dans un univers onirique où l'on côtoie chamans et autres passeurs d'un monde parallèle.
D'autant plus étonnant que ce monde là n'est pas ma tasse de thé, et pourtant ça marche, et très, très bien même. Il faut dire que tout cela n'est prétexte qu'à ouvrir l'imaginaire, à fantasmer des histoires qui s'imbriquent les unes aux autres comme des poupées russes, et que, dans ce livre encore, un humour léger est présent à chaque page.
On part avec le français Rosario Traunberg à la recherche d'un ami, Eugenio Tramonti, disparu dans l'immense Mongolie - aux plateaux sauvages parsemés, ici et là, de villages nomades de yourtes - alors qu'il était parti lui-même à la recherche d'un ami russe. Et l'on fait connaissance avec lui d'une foison de personnages délicieux, on survole des paysages hallucinants de la Chine à la Russie, on y croise parfois des animaux fantastiques. Les différents narrateurs se passent le flambeau et donnent chacun le ton de l'histoire. Et il faut un sacré talent pour donner l'impression de clarté à la lecture dans cet entrelacs d'histoires enchevêtrées.
Etonnant aussi, les dernières pages qui soudain prennent un ton totalement différent, où l'on reste le souffle coupé par la beauté de la langue, l'étrangeté des impressions que donnent ces mots, un peu à la façon de De Lillo lorsqu'il parle le langage des déserts.
Les romans de Christian Garcin font référence les uns aux autres, et on retrouve dans ce livre, le personnage principal du dernier sorti, "Des femmes disparaissent", tout comme le personnage Eugenio Tramonti a été le principal personnage d'un livre précédent "Le vol du pigeon voyageur".
Extraits :
"Elle connait votre ami, fit-il soudain.
Pardon ?
Elle dit qu'elle connait votre ami, celui qui a disparu. Elle l'a rencontré. Elle dit qu'il faut que vous vous rendiez dans le village de Dojnaa Baruul, et que vous demandiez où se trouvent les yourtes de la famille Ojgurbaalat. Là, il faut que vous parliez à un jeune garçon du nom de Shamlayan. C'est tout ce qu'elle a dit. Non, rectifia-t-il : elle a aussi confirmé ce qu'a dit la cousine pendant la transe, c'est-à-dire que le russe, Smolienko, était mort."
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Nous parcourons d'immenses steppes à peine vallonnées, où de centaines de mètres en centaines de mètres des chapelets de yourtes s'échelonnent parfois jusqu'à l'horizon, sous un ciel immense, majestueux, parcouru de nuages rapides. Parfois deux ou trois grues cendrées arpentent le bas-côté de la piste, d'une démarche quasi giscardienne. Derrière, des troupeaux de chevaux paissent paisiblement, en toute liberté, non, semi-liberté, corrige Sambuu, puisque leurs propriétaires savent toujours précisement où ils se trouvent. Loin derrière, une ou deux yourtes, équipées parfois d'une antenne parabolique et d'une éolienne. Derrière encore, d'autres chevaux, ou bien des brebis, des chèvres, ou tout cela à la fois.
Auteur : Christian Garcin - Titre : La piste mongole - Editions Verdier