Il faudrait s'arracher le coeur
Très beau livre de Dominique Fabre, sensible, émouvant, où le narrateur nous livre trois passages de sa vie adolescente, dans le début des années 80, en banlieue parisienne. Divisé en trois parties, dont la première, éponyme, "Il faudrait s'arracher le coeur" nous dévoile l'attrait qu'il a pour un jeune garçon de bonne famille, étudiant, à tendance suicidaire, dont il est amoureux secrétement.
"Je vais devoir vous laisser" expose un épidose plus ancien, et terriblement ravageur, du départ du père, de la distance creusée qui n'est plus rattrapable, des rares visites dans une autre banlieue, lointaine.
La dernière partie, "Qu'est-ce que je voulais dire pas la messe", est le portrait tendre d'Anna, la grand-mère maternelle, la description de Ménilmontant où elle a vécu 50 ans dans un appartement qu'elle doit quitter, d'autres personnages attachants en parallèle, et dans tout ça, le narrateur adolescent, entre attachement, ennui et désir d'échapper à la famille.
J'avais lu, dans le cadre du Prix du Livre Inter en 2010, "J'aimerais revoir Callaghan", un livre qui m'avait touché. "Il faudrait s'arracher le coeur" est un cran au-dessus. Dominique Fabre y décrit superbement le quotidien, les souvenirs que l'on arrache au passé, ces petites phrases qui marquent au fer rouge.
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Extrait :
Avec Luc on était copains bien sûr mais on n'avait rien à se dire. Il draguait ma soeur au Cercle, il était gentil avec moi, il voulait coucher avec elle. Il n'était pas très grand avec des cheveux gominés coiffés en arrière et deux gourmettes au même poignée. Ses lunettes en gouttes d'eau teintes en jaune. Enfin ça date, tout ça. J'ai fini la bière. J'en avais déjà bu une dizaine dans ma vie. La bière faisait partie des choses qui me plaisaient, avec Patrick Deweare, les bouquins et ma vie plus tard. Plus tard sans même la vie me plaisait bien aussi. Plus tard faisait toujours rêver.
Auteur : Dominique Fabre - Titre : Il faudrait s'arracher le coeur - Editions de l'Olivier