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28 août 2010

Un pedigree

pedigreeVoilà, le livre que je n'aurai jamais imaginé de Modiano tant cela me semblait improbable. Et quel livre ! C'est qu'ici, Modiano recolle les morceaux qu'il a semés tout au long des ses livres précédents. Une trentaine d'ouvrages, toute une vie d'auteur, à fouiller un passé obscur : sa vie, Modiano l'a mise en scène depuis son premier livre, par petites touches, par approches pudiques autour du thème récurrent de ce drôle de père, de ces personnages plus ou moins louches qu'il a croisé enfant. Mais ici le "je" s'annonce dès la première phrase : "Je suis né le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, 11 allée Marguerite, d'un juif et d'une flamande qui s'étaient connus à Paris sous l'occupation". Patrick Modiano reconstitue son passé, celui de ses premiers souvenirs jusqu'à ses 21 ans, un âge symbolique (accès à la majorité de l'époque), derniers échanges (rudes) épistolaires avec son père et parution de son premier roman, sa véritable libération, l'écriture salvatrice.

C'est douloureux, cruel par les faits, mais le regard reste pourtant tendre. Une vie qui n'en est pas vraiment une "tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie", au travers de son père, trafiquant ou étrange homme d'affaires qui évolue parmi les gangsters ; de sa mère, actrice sans grand succès, tous deux si occupés à se préoccuper de leurs vies, et que cet enfant encombre : placements chez des "amis", abandon dans Londres, pensionnats (Paris, Haute-Savoie, Bordeaux), mise à la porte, appel de la police (sic), tous les moyens sont bons (si l'on peut dire) pour éloigner le petit Modiano déjà bouleversé par la mort de son jeune frère.

Pas de rancune ni de vengeance, rien de tout cela. Mais essayer de comprendre une fois encore, et de mettre enfin à plat : Modiano en appelle aux mots, aux noms de rues, de personnages qui défilent comme une litanie, pour reconstituer ce passé d'où il n'est jamais sorti : "Que l'on me pardonne tous ces noms et d'autres qui suivront. Je suis un chien qui fait semblant d'avoir un pedigree". (p.13)

Des rencontres humbles et prodigieuses aussi, comme celles avec Suzanne Flon, chez laquelle ils viendront (sa mère et lui) demander une aide financière n'ayant plus un sou en poche. Mais aussi les promenades avec Queneau, dont il parlait dans son livre précédent, et certains gangsters généreux. On peut retrouver, au fil des pages, des personnages qui ont déjà hanté ses livres précédents, des scènes fictives qui prennent un autre sens ici, dans la "vrai vie".

Modiano se met à nu, avec pudeur toujours, en employant volontairement un style épuré, pour ne pas étouffer sous les mots, pour faire sortir au plus vite le trop plein "A mesure que je dresse cette nomenclature et que je fais l'appel dans une caserne vide, j'ai la tête qui tourne et le souffle de plus en plus court". (p.20)

Depuis la mort de son père, les regrets de ne pas avoir connu cette complicité qu'il recherchait et à laquelle il n'a jamais renoncé : "S'il m'avait connu 10 ans plus tard ? il n'y aurait plus eu le moindre problème entre nous. Il aurait été ravi que je lui parle de littérature, et moi je lui aurais posé des questions sur ses projets de haute finance et sur son passé mystérieux. Ainsi, dans une autre vie, nous marchons bras dessus, bras dessous, sans plus jamais cacher à personne nos rendez-vous". (p.119). Et, gorge serrée, on repose le livre.

Titre : Un pédigrée | Auteur : Patrick Modiano | Editeur : Gallimard | Thème : Littérature français  -  (zazieweb 18/01/2005)

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