La ceriseraie
J'aime les auteurs russes pour leur sensibilité, la ferveur de leur passion, et parmi eux, je chéris plus particulièrement Anton Tchekhov. "La mouette", "Les trois soeurs", "Oncle Vania" ou "Platonov"... toutes ces pièces m'ont touché profondément, aussi bien en lecture qu'en représentation.
"La ceriseraie" est la dernière pièce écrite par Tchekhov, elle relate la fin d'une époque, où la Russie entre dans une ère moderne, au travers de la ruine d'une famille aristocratique : vendre ou ne pas vendre la ceriseraie pour éviter la déroute ? Un enjeu qui dépasse largement l'ordre économique pour entrer dans l'émotion, la nostalgie, la densité des âmes.
Lioubov est particulièrement attachante, emplie de générosité et d'inconscience, de tendresse et de liberté, et traîne son mal de vivre dans un monde qu'elle ne comprend plus.
"La ceriseraie" reste une pièce intemporelle par l'analyse des sentiments, la transcription des émotions, les questionnements des personnages, d'une très forte densité.
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Extrait
Lioubov : "Quelle vérité ? Vous voyez ce qui est vrai, et ce qui ne l'est pas, moi on dirait que j'ai perdu la vue, je ne peux rien voir. Vous résolvez bravement toutes les questions importantes, mais dites-moi mon petit, n'est-ce pas parce que vous êtes jeune et qu'aucune de ces questions ne vous a jamais fait souffrir ? Vous regardez bravement devant vous, mais n'est-ce pas parce que vous ne voyez, parce que vous n'attendez rien qui vous fasse peur, parce que la vie est encore cachée à vos jeunes yeux ? Vous êtes plus courageux, plus honnête, plus profond que nous, mais réfléchissez, montrez ne serait-ce que ça de générosité, prenez pitié de moi. Je suis née ici, ici ont vécu mon père et ma mère, mon grand-père, j'aime cette maison, sans la ceriseraie je ne comprends pas ma vie... et s'il faut la vendre, alors que l'on me vende avec elle... "
Auteur : Anton Tchekov - Titre : La ceriseraie - Editions Flammarion